Un nouvel outil de gestion de l’impact des activités des entreprises minières sur les droits humains en RDC.
Par Hubert Tshiswaka (L’auteur est un Défenseur des Droits humains de la RDC, Chargé du Projet Afrique au Cabinet d’avocats Koykanyang Inc. de Johannesburg, et chercheur à l’Université de Witwatersrand d’Afrique du Sud sur les Droits humains et les entreprises multinationales. Il est licencié en Droit Public de l’Université de Lubumbashi (RDC), diplômé en Droits humains et droit international humanitaire de l’Université de Genève (Suisse), diplômé en Droits humains et plaidoyer international de l’Université de Columbia de New York (USA). Il est ancien Représentant de l’ASADHO au Katanga, ancien Directeur Exécutif de l’ACIDH, ancien membre du Conseil d’Administration de RAID. Contacts : Fixe : 0027118832065, Portable : 0027795932637, Email : tshiswaka@ock.co.za et tshiswaka@hotmail.com)
En février 2013, la procédure de négociation de la demande d’indemnisation des 500 familles du village de Kawama, sud Katanga, devant le Point de Contact National belge pour les principes directeurs de l’OCDE² (PCN) venait d’échouer. Cette demande fut introduite par l’Action Contre l’Impunité pour les Droits Humains (ACIDH), la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et Rights and Accountability in Development (RAID). Ce fut « en vue d’indemniser les victimes expulsées de force de leur domicile»³ au profit de la Compagnie Minière du Sud Katanga (CMSK) dans laquelle la multinationale belge, Georges Forest International (GFI) détenait la majorité des parts. En effet, en novembre 2009, CMSK qui exploitait la mine de Luiswishi « avait soutenu et participé à la démolition de 500 habitations dans le village de Kawama, à proximité de la mine ». Ces trois ONG s’étaient associées pour déposer plainte en Belgique, pays d’origine des capitaux de la CMSK. L’issu de cette démarche était aussi un échec, l’entreprise ayant «traité cette procédure avec mépris».
En effet, ce cas n’est pas isolé. Le Centre Carter publiait aussi en octobre 2012, un rapport d’impact sur les droits humains des investissements des entreprises Chemical of Africa (Chemaf) et Ruashi Mining, intitulé « les investissements miniers en RDC : développement ou appauvrissement des communautés locales ? »6. Ce rapport concluait que les impacts des entreprises minières sur les communautés étaient néfastes, particulièrement pour la population affectée par des expropriations des terres. Une année avant, en décembre 2011, dans son rapport intitulé « unheard voices », ACIDH exposait des atteintes aux droits des communautés locales perpétrées par les entreprises Tenke Fungume Mining (TFM), Rwashi Mining, Boss Mining, Chemaf et la Compagnie minière du Sud du Katanga (CMSK). Outre ces malices des entreprises occidentales, ACIDH expose sur son site des cas des entreprises chinoises Jiaxing Mining, Congo Dong Fang International Mining et Lida Mining citées comme auteurs ou instigateurs d’incidents qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes ou aux droits des travailleurs.
Dans le contexte de « boom minier » de 2009, la RDC enregistrait plus de 1200 entreprises minières dont la grande partie se trouvait au Katanga. Leurs activités impactent sérieusement sur la vie de la population, raison pour laquelle des organisations non gouvernementales de défense des droits humains (ONGDH) les accusent de manière quasi constante de violation délibérée des droits humains et de l’environnement. Afin d’améliorer la collaboration et accroitre le bénéfice au profit des victimes qui ne gagnent rien de l’affrontement des deux groupes; il s’avère impérieux pour la société civile de classifier les entreprises, identifier celles qui participent au bien-être collectif et isoler celles qui délibérément abusent des faiblesses de l’Etat congolais en violant les droits fondamentaux et de l’environnement.
Les entreprises minières et la société civile devraient se sentir interpeler au même degré, d’autant plus qu’elles sont considérées comme « organes de la société » congolaise. Elles devraient participer conjointement à promouvoir, respecter et faire respecter les droits humains et l’environnement. Elles devraient ensemble concourir au développement de l’Etat et apporter des remèdes proportionnels qui bénéficieraient effectivement aux victimes. Dans une atmosphère participative, les deux groupes travailleraient autant à renforcer la capacité de l’Etat à protéger les droits humains.
L’espoir refait surface avec le développement de la théorie sur les droits humains et les entreprises multinationales qui avait abouti à la publication des « principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies (ONU) relatifs aux entreprises multinationales et les droits humains »9. Ces normes ont été élaborées par le Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’ONU, le Professeur John Ruggie¹º et rendu public en 2011. Elles offrent une nouvelle opportunité à ceux qui recherchent des solutions à la question du renforcement des mécanismes nationaux de la protection, du respect des droits humains.
L’idée d’observer l’évolution des entreprises dans le respect des droits humains prônée par les normes des Nations Unies, nous amène à établir cinq catégories d’entreprises, en fonction du progrès, de l’engagement ou de la réalisation de ses responsabilités de respecter les droits humains. L’observateur avisé tire ses leçons des rapports d’enquête des ONG, de la perception de l’entreprise par les communautés locales et des relations de celle-ci avec l’Etat. Cette approche facilite une bonne gestion des attentes des communautés, aide à partager des bonnes expériences entre entreprises progressistes et à isoler les mauvaises entreprises qui s’adonnent aux activités illicites en violation des droits humains.
Ainsi donc, seront classées dans la première catégorie, les entreprises qui facilitent la promotion des droits humains qui comprend entre autres, l’octroi des bourses d’études sur les droits humains et les nouvelles sphères de recherche liées à l’environnement ; et le plaidoyer pour des causes d’intérêt général à l’instar de la démocratie, la bonne gouvernance, la transparence et les nouvelles technologies. En plus, ces entreprises ont dans leur structure de gestion, à des postes de responsabilités, des experts hautement qualifiés en la matière ; elles respectent leurs obligations découlant des droits humains ; elles ont des politiques suffisamment avancées et des mécanismes transparents de contrôle ; elles sont ouvertes à des critiques qui participent à l’amélioration de la gestion des relations avec les communautés.
La deuxième catégorie est celle des entreprises qui respectent les droits humains, bien qu’elles n’aient pas d’experts maison en la matière. Elles ne font pas de la promotion des droits humains, mais elles ont en place des règles, des procédures, des mécanismes de gestion et de contrôle des questions des droits humains. Elles ont la volonté d’améliorer leur gestion et répondre aux préoccupations liées aux droits humains.
La troisième catégorie regorge des bonnes entreprises à mi-chemin de l’objectif idéal. Elles ont en place des outils et mécanismes de contrôle, mais elles ne fournissent pas assez d’efforts pour respecter les droits humains. Elles n’engagent pas d’expertise dans les structures internes qui faciliteraient la mise en œuvre des politiques et outils déjà acquis.
La quatrième catégorie comprend des entreprises qui ont fait confectionner des très bons codes de bonne conduite exposés très visiblement aux murs de leurs bureaux ou site internet. Elles participent aux séminaires et ateliers où l’on discute des questions des droits humains, mais négligent ou ignorent systématiquement d’aborder les questions y relatives qui se posent à elles. Elles ne respectent pas les droits humains.
La cinquième et dernière catégorie est celle des réputés « mauvais garçons » que les autres partenaires évitent à s’associer avec. Elles entreprennent ouvertement et délibérément des activités criminelles. Elles prétendent d’être ce qu’elles ne sont pas. Leur nom est facilement cité dans les opérations maffieuses, l’emploi des enfants comme main d’œuvre, fraude fiscal, fraude douanière, corruption, vol, trafique d’armes et de la drogue, blanchiment d’argent, abus de position de force. Ces activités répréhensibles causent aussi d’énormes violations des droits humains notamment le droit à l’égalité et la dignité, le droit à la sécurité des personnes, le droit aux justes et favorables conditions de travail, le droit à la santé et l’environnement sain, le droit à un syndicat et aux négociations collectives.
2. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) compte 34 pays membres dont la majorité se trouve en occident.
3. Communiqué conjoint ACIDH, RAID et FIDH publié le 05 février 2013 qu’on trouver sur www.raid-uk.org (site consulte le 25 avril 2013)
4. www.fidh.org
5. Commentaire de la FIDH dans le communiqué susmentionné.
6. The Carter Center, Les investissements miniers en RDC: Développement ou appauvrissement des communautés locales? Rapport d’impact des investissements miniers étrangers sir les droits humains. Cas des investissements Chemical Of Africa (Chemaf) et RuashiMining au Katanga, Octobre 2012. www.cartercenter.org (site consulte le 25 avril 2013)
7. La version anglaise est sur www.somo.nl et la version Française est sur le site http://acidhcd.org (site consulté le 25 April 2013)
8. Senat de la RDC, Rapport de la Commission d’enquête sur le secteur minier, Kinshasa, Septembre 2009 9. Nations Unies, Principes directeurs relatifs aux entreprises et les Droits de l’Homme: Mise en œuvre du cadre de référence, « protéger, respecter et réparer », des Nations Unies, New York et Genève, 2011 10. John Gérard Ruggie est professeur des Droits de l’Homme et Relations Internationales a la « Harvard‘s Kennedy School of Government » et affilié a la faculté de Droit de l’Université de Harvard.